Une offre au prix sur LeBonCoin vaut-elle vente ?

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Lorsqu’une annonce immobilière à un prix très alléchant paraît sur Le Bon Coin, une simple offre au prix suffit-il à former la vente ?

Nombreux sont ceux qui pensent qu’une offre faite au prix d’achat forme immédiatement une vente parfaite et qu’un vendeur ne peut donc pas la refuser.

Mettons immédiatement un terme au suspens : ce n’est absolument pas le cas malgré tout ce qu’on peut lire ici et là.

Il est tout à fait possible, pour un vendeur, de refuser une offre d’achat faite au prix.

Dans cet article, nous tenterons de comprendre pourquoi. Me Louise Bargibant, avocate en droit immobilier au barreau de Lille, nous aidera à y voir plus clair. Je la remercie d’ailleurs pour sa contribution à la rédaction de cet article.

pour que la vente soit dite "parfaite", il est donc nécessaire que les parties s’accordent sur la chose, le prix, et éventuellement sur les éléments substantiels du contrat.

La vente parfaite

Selon le Code Civil (article 1583) : « La vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. »

Ainsi, pour que la vente soit dite « parfaite », il est donc nécessaire que les parties s’accordent sur la chose, le prix, et éventuellement sur les éléments substantiels du contrat.

Sur cette base, nous pourrions donc penser qu’une offre d’achat faite « au prix » forme immédiatement la vente et qu’elle est considérée comme automatiquement acceptée…

Dans la pratique, les choses sont un peu plus subtiles. Me Louise Bargibant nous éclaire :

L’offre de vente ou d’achat se définit comme l’acte par lequel une personne se déclare prête à vendre ou à acheter un bien à des conditions déterminées.

Elle doit être suffisamment précise et renfermer les éléments essentiels du contrat projeté, mais également ferme, c’est à dire manifestant la volonté d’être lié en cas d’acceptation.

A cette offre doit correspondre une acceptation portant sur les éléments essentiels du contrat projeté et ne contenant aucun élément de contre-proposition, lequel disqualifierait alors immédiatement l’acceptation en offre.

Il est nécessaire que ces deux éléments du consentement se rencontrent et correspondent exactement.

Ainsi, pour qu’une offre de vente (dans le contexte de cet article : l’annonce immobilière) soit considérée comme telle, elle doit être suffisamment précise et ferme pour que, en cas d’acceptation, la vente soit considérée comme immédiatement formée.

Mais, dans ces conditions, peut-on considérer qu’une annonce immobilière constitue une offre de vente ferme et précise ?

La valeur juridique d’une annonce immobilière

La valeur juridique d'une annonce immobilière

Une simple annonce immobilière telle qu’on la trouve généralement sur Internet ou dans les agences immobilières est assez succincte.

De nombreuses informations relatives au bien vendu sont généralement manquantes.

Ainsi, il est assez rare que figurent, par exemple : l’adresse du bien, les éventuelles servitudes…

Du fait que des informations aussi importantes soient absentes, une telle annonce ne peut être considérée, aux yeux de la loi, comme une offre de vente ferme et précise de la part du vendeur (ou du mandataire qui le représente comme une agence immobilière, un notaire, un avocat…).

Ainsi, d’un point de vue juridique, l’annonce ne constitue qu’une invitation à entrer en pourparlers. C’est à dire que les potentiels acquéreurs intéressés sont invités à entamer des discussions ou des négociations avec le vendeur ou son mandataire.

Me Louise Bargibant nous confirme d’ailleurs que :

[…] la dernière jurisprudence considère les annonces leboncoin et PAP comme des invitations à entrer en pourparlers et non comme des « offres fermes et précises ». Vous pouvez consulter à ce sujet l’arrêt Cour d’appel de Paris, 3 juillet 2014, 13/08543.

Extrait de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, 3 juillet 2014, 13/08543

« Considérant que M Bruno Y…, propriétaire d’un bien immobilier sis … à Paris 9éme a fait paraître une annonce sur le site internet pap.fr du groupe de particulier à le 23 avril 2011 mettant en vente ce bien pour la somme de 315 000 euros ; que Mme Chloé X… qui a visité le bien le 24 avril 2014 prétend avoir été la première à avoir accepté l’offre formulée par M Bruno Y…, la vente étant, selon elle, ainsi devenue parfaite ;

Extrait de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 3 juillet 2014, 13/08543

Mais considérant que si l’offre faite au public lie le pollicitant à l’égard du premier acceptant dans les mêmes conditions que l’offre faite à personne déterminée, il en est différemment en matière de vente d’un bien immobilier s’agissant d’une opération complexe ; qu’en cette matière, une offre au public est par nature large et ouverte afin de permettre à de futurs contractants de discuter du contenu du contrat, et s’analyse par conséquent comme une invitation à entrer en pourparlers ; qu’en l’espèce l’offre faite au public par M Bruno Y… ayant pour objet la vente d’un bien immobilier, cette offre s’analyse ainsi en une invitation à entrer en pourparlers ; qu’il s’en déduit que la prétendue acceptation par Mme Chloé X… suite à cette annonce n’est pas suffisante pour former un contrat de vente ayant pour objet le bien immobilier litigieux entre les parties ; qu’en toutes hypothèses, les pièces versées aux débats ne sont pas suffisamment probantes pour établir que Mme Chloé X… ait été la première a formulé une offre à M Bruno Y… suite à la parution de l’annonce litigieuse ;

Considérant qu’au regard de ces éléments et des motifs pertinents des premiers juges que la cour adopte, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions. »

Conclusion

À défaut de réaliser une offre de vente extrêmement précise et ferme (ce qui n’est généralement pas le cas des annonces immobilières diffusées), une annonce immobilière doit être considérée comme une simple invitation à entrer en pourparlers.

Elle n’est donc pas susceptible d’emporter la formation immédiate du contrat par une offre d’achat réalisée « au prix » du vendeur.

Bien sûr, il existe toujours des cas subtiles et complexes.

Ainsi, Me Louise Bargibant nous rappelle que : « En cas de litige, c’est au tribunal de trancher au cas par cas en fonction des éléments du dossier : le tribunal devra qualifier l’annonce immobilière et vérifier si celle-ci peut être considérée comme une offre ferme et précise manifestant la volonté d’être lié en cas d’acceptation étant précisé que la dernière jurisprudence en la matière voit davantage dans une annonce immobilière faite au public « une invitation à entrer en pourparlers » plutôt qu’une offre ferme et précise« 

Même si on attache beaucoup d’importance à l’offre d’achat, ce sont bien :

  • soit l’acceptation par le vendeur d’une offre d’achat ferme et précise de l’acheteur
  • soit les conditions stipulées dans l’avant-contrat (compromis de vente ou promesse de vente)

qui définiront vraiment les conditions de la vente entendues entre acquéreur et vendeur.

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Alex de Discutons-Immo.fr

Alex, passionné par l’immobilier. Je partage sur ce blog les informations qui me semblent pertinentes et qui sont le fruit de mes propres interrogations, recherches et découvertes. En perpétuel apprentissage dans ce domaine, mon but est de démystifier le processus d’achat immobilier auprès du plus grand nombre.

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